Hãfiz (1)
Il y a six cents ans, en 1388 de l’ère chrétienne (en 790 de V Hégire) le plus grand poète de l’Iran, Khãjé Hãfiz Shirãzi, quittait ce monde trompeur, ses illusions, ses apparences. Son siècle, le XIVe, est celui de la plus grande extension géographique de la langue persane. C’est pourquoi l’immense célébrité de Hãfiz s’étend, encore aujourd’hui, partout où l’on parle, où l’on lit l’idiome porteur d’une culture et d’une civilisation prestigieuses.
Comme Nezãmi, né et mort à Ganja, et contrairement au grand voyageur que fut Saadi, Hãfiz mena une existence sédentaire dans sa ville. Shirãz, qu’il ne quitta que deux fois, pour Isfahãn et Yazd. Sa biographie, singulièrement succincte, est celle d’un poète de cour, comme tant d’autres avant et après lui.
Les événements qui la jalonnent ne sont que les secousses de son temps, marqué par les rivalités princières, la faveur et la disgrâce, ébranlé enfin par l’entrée en scène, en 1387, du conquérant turc: Tamerlan.
Parmi les souverains qui jouèrent un rôle important dans la vie du poète, on retiendra le nonchalant Abu-lshãq Inju, grand ami des plaisirs; Mobãrez-Oddin, fondateur de la puissance mozaffaride, despote cruel et bigot, ennemi des cabarets, du vin et de la musique, que Hãfiz détestait; son fils Shah Shojã’ surtout, qui régna près de trente ans. Soumis aux caprices de ce dernier, il connut, tour à tour, et la faveur et la disgrâce. Il dut s’exiler à Yazd, et c’est un homme éprouvé qui vivra, à Shirãz, ses deux ou trois dernières années.
Hãfiz mourut à rage de 68 ans, sans avoir jamais vu Tabriz ni Bagdad.
Mais ce sont là péripéties. Ce qui demeure, pour notre enchantement, c’est l’œuvre. Encore faut-il la découvrir dans un texte original digne de confiance, car, comme l’indique Charles Henri de Fouchécour, «Hãfiz a certainement dû retoucher ses compositions au gré des circonstances et de son inspiration, changeant des mots ou des expressions, supprimant ou ajoutant des vers, retouchant aussi leur ordre dans le poème. Dans ces conditions, il faut renoncer à parvenir, un jour, à un texte unique que l’on puisse considérer comme l’original...».
Les deux meilleures éditions accessibles ont été utilisées ici. Celle du professeur Mohammad Qazvini et du docteur Qãssim Ghani, parue en 1942, est à la base de la présente traduction française, confrontée mot pour mot avec l’édition critique du professeur Parviz Nãtel Khãnlari de 1958.
Toutes deux comprennent le recueil complet, le Divan, de tous les poèmes connus du maître de Shirãz. Il n’est question ici que des cinq cents ghazal, dont cent seulement ont été choisis et traduits.
Source: MONTEIL. Vincent Mansour, Le Divan de Hãfiz, éd. Kitãbsarãy-e Nik, Téhéran, PP.7-8
Poésie Relative:
Mystère