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  • 2/6/2008
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Zurkhãneh

zurkhaneh

   Une institution typiquement iranienne, autrement dit " les maisons de force, peu connue en dehors du pays, pourtant largement appréciée des étrangers, surtout de la part de ceux qui ont eu l’occasion  d’y consacrer une soirée lors de leur séjour dans le pays. C’est là que se perpétue encore l’une des expressions culturelles les plus particulières de la Perse.

Etablis dans les quartiers populaires, les Zurkhãnieh accueillent des spectacles d’athlètes très codifiés, réservés aux hommes où les femmes ne sont pas les bienvenues.

   Une tradition préislamique alliant culture physique, chiisme et poésie. Déjà à l’époque des Achéménides, sous le règne de Darius, on encourageait les jeunes à pratiquer les arts de guerre. C’est cette coutume qui est pérenniser à travers ces maisons de force. Ce ne sont pourtant ni des arènes ni des lieux de combat mais de simples espaces d’expression physique et culturelle.

   Des hommes torse nu, drapés à mi-cuisse sur des culottes de cuir, portant massues et autres arcs de fer, demandant protection au prophète Mahomet et aux Imams (chefs religieux), tandis que le "Morshed"( le guide ), assis à une place surélevée dans un coin  face à l’audience, fait tourner les athlètes ou les "Pahlavãn"  au rythme d’un tambour, entrecoupé par la déclamation des vers de Shãh Nãmé (le livre des Rois), sorte d’épopée persane écrit par Ferdowsi, poète épique iranien de dix siècles; sous une lumière aveuglante, de vieilles photos des anciens athlètes, jaunies par le temps et la sueur, et les portraits d’Imams et des poètes tapissent les murs.

Un même rituel réunit, chaque soir, des dizaines d’hommes dans les maisons de force. Des lieux sacrés et confidentiels à un moment donné de l’histoire de la Perse, parce que symboles de la résistance nationale à la suite de la conquête arabe.

   Avec l’islamisation de la population, cette résistance changea progressivement d’orientation se traduisant par un soutien des valeurs chiites face au sunnisme. Certaines qualités morales telles que le courage, l’abnégation  et la vertu sont requises des Pahlavãn ainsi que fidélité absolue au Prophète et aux Imams. Si le Zurkhãneh est aujourd’hui redevenu populaire, il n’a pas toujours été apprécié par les régimes en place. L’apogée de cette institution fut atteint sous la dynastie safavide lorsque le chiisme devint religion d’Etat, presque tous les villages possédaient alors leurs propres Zurkhãnehs. Les Safavides  sont à l’origine d’une grande floraison artistique en Iran musulman en donnant un nouveau souffle à l’industrie artisanale ainsi qu’aux manifestations culturelles. Par la suite cette institution déclina, mais fut ranimée au début du vingtième siècle par le gouvernement, attiré non par ses aspects religieux, mais par ses profondes origines iraniennes et le nationalisme qui s’y rapporte.

zurkhaneh

    Dans le respect des assauts d’autrefois, tel exercice est assimilé au tir à l’arc, tel autre au combat avec bouclier. A la différence de la gymnastique, les exercices de la maison de force constituent un sport collectif qui comportent des rituels spécifiques, des épreuves et le respect de certaines règles morales et étiques. Les gestes précis de chaque exercice sont exécutés par tous dans le même ordre et au même rythme.

Les instruments dont ils se servent sont simples, basés sur des armes anciennes et adaptés à l’espace restreint du Zurkhãneh.

   De petites planchettes et de lourdes massues en bois d’orme que l’on déplace au-dessus des épaules, pesant entre 4 et 40 kilos, et qui sont utilisées pour les exercices d’assouplissement alors que les athlètes les mieux entraînés s’exercent au maniement de deux énormes boucliers en bois pesant 60 kilos chacun. Des arcs de fer, autour desquels sont attachés des disques métalliques, et d’autres instruments archaïques permettant de mesurer la force mais aussi l’endurance des athlètes à la souffrance.  Un autre exercice, en fin de séance,  consiste à tourner sur soi-même, les bras tendus, un peu à la manière des derviches tourneurs, les hommes demandent la permission de s’installer au centre de la fosse octogonale pour tourner sur eux-mêmes suivant le rythme du Morshed.

   Aujourd’hui l’obscurité de ces traditions millénaires est telle qu’elles attirent  de moins en moins d’adeptes et même nombre d’Iraniens des classes aisées ignorent jusqu’à l’existence même des Zurkhãneh, installés depuis des siècles dans les quartiers les plus populaires du pays. 

Bibliographie

1-Loveday Helen, Guides Olizane, editions Olizane, 1999;

2-ulysse, le magazine du voyage culturel, n.78,  mai- juin 2001

3-safa, Z. anthologie de la poésie persane, Gallimard, 1987.

4- La Perse de Cyrus à Alexandre, n.227, octobre 1197.

Behzãd Hãchémi

Université Azãd Islamique, Arãk

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