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  • 1/12/2007
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IRAN, POUVOIR ET ISLAM: LA DOCTRINE DE L’AUTORITE DU SAVANT (1)

   Tebyan vous propose une série d’articles concernant la doctrine du pouvoir en islam, en période d’occultation majeure (ghaybat al-kubra), telle qu’elle est appliquée en République islamique d’Iran. L’expérience révolutionnaire représente à bien des égards une occasion unique d’évaluer le potentiel institutionnel de la religion islamique dans les circonstances présentes.

discours de l

La gestation de la doctrine de l’ « autorité du savant » (wilaya al faqih)

 

   La doctrine de l’ « autorité du savant » trouve ses racines dans les premières heures de la grande occultation, lorsque le douzième Imam paix sur lui s’est subtilisé du regard des êtres humains. 

Certains ont prétendu que cette doctrine était une question contemporaine du droit musulman remontant à guère plus qu’un siècle et demi, avec Mollah Ahmad Naraqi.

    Nous citons les noms de quelques savants musulmans qui se sont intéressés à la question de la théorie politique en islam de manière générale et à la question de l’autorité du savant en particulier. Cette liste n’est pas exhaustive :

 

 

1er siècle Ali ibn Abi Rafi’, Salman Farsi, Saeed ibn Musayyab, Urwat ibn Zubayr
2ème siècle Abi Nasr Bizanti, Husseyn ibn Saeed
3ème siècle Abd ul Azim Hasani, Osman ibn Saeed
4ème siècle Muhammad ibn Osman, Husseyn ibn Ruh, Ali ibn Babuyeh, Ibn Abi Aqil, Ibn Juneyd Iskafi
5ème siècle Siyyid Riza, Shaykh Mufid, Ibn Sina, Shaykh Tusi
6ème siècle Ibn Zohre Husseyni, Ibn Idriss Hilli
7ème siècle Khajeh Nasir Tusi, Muhaqqiq Awwal
8ème siècle Allama Hilli, Hilal Jazaeri, Muhammad ibn Hasan Hilli, Shahid Awwal
9ème siècle Fazel Miqdad, Ibn Fahd Hilli
10ème siècle Muhaqqiq Thani, Shahid Thani, Muqaddas Ardibili
11ème siècle Muhammad Amili, Mir Muhammad Baqir Damad, Allama Majlisi, Agha Husseyn Khunsari
12ème siècle Muhammad Baqer Majlisi, Fazel Hindi
13ème siècle Wahid Bihbihani, Mahdi Bahr al ulum, Kashif al khata, Mullah Ahmad Naraqi, Shaykh Ansari
14ème siècle Mirza Shirazi, Shaykh Fazlollah Nuri, Kazem Khurasani, Muhammad Huseyn Naini, Abdolkarim Haeri, Siyyid Hasan Mudarres, Abul Qassem Kashani, Agha Husseyn Burujerdi
15ème siècle Ruhollah Khumeiny, Muhammad Riza Golpaygani, Maraschi najafi, Araki, Murtaza Mutahari, Muhammad Beheshti, Siyyid Khamenei, Muntazeri

 

 

l’investiture de m.ahmadinejad en été 2005

 

   Dès les premiers temps de l’islam et suite au décès du saint Prophète paix sur lui et sa pure famille, les musulmans étaient confrontés à la question du pouvoir et de l’organisation du califat. La doctrine de l’ « autorité du savant » n’est spécifiquement évoquée qu’à partir du 2ème siècle de l’hégire.

 

Il faut dire que la présence du saint Prophète puis des imams infaillibles paix sur eux en retiraient l’absolue nécessité qu’elle trouva lors de l’Occultation, c’est-à-dire l’absence du 12ème imam paix sur lui.

    Cependant, il existait bien un réseau de consultation de juristes (mujtahid) capables de répondre à la plupart des besoins des gens localement en matière de dispositions légales, sans qu’il faille se reporter automatiquement au prophète puis aux infaillibles.

   L’ijtihad était donc un effort jurisprudentiel encouragé par le prophète lui-même et l’on rapporte à ce sujet : « le juge (juriste) ne sait-il pas qu’il est l’intermédiaire entre le Tout Puissant et ses esclaves et c’est pour cette raison qu’il se trouve entre le paradis et l’enfer » (Bihar al-anwar, t.2, p.120). Bien entendu, la réflexion sur l’ « autorité du savant » doit faire toute sa place à l’influence des circonstances sur l’élaboration et l’application de cette doctrine.

   De la même façon que les différents imams eurent une attitude politique différenciée eu égard aux circonstances dans lesquelles ils évoluaient, songez par exemple à l’activité politique de l’Imam Ali ibn Abi Talib paix sur lui et en contraste l’activité essentiellement scientifique de l’Imam Sadiq paix sur lui, les grands savants en période d’occultation majeure ont également adopté des attitudes politiques différentes.

   Alors que de grands savants comme Muhaqqiq al-thani, Kashif al-ghita, Mulla Ahmad Naraqi, Mirza Qummi, Shaykh Fazlollah Nori, Muhammad Husayn Na’ini Gharawi et surtout, Imam Khumayni, que Dieu les agrée, aient activement contribué à l’élaboration de la doctrine de l’ « autorité du savant » suite à leur implication dans les activités politiques, par ailleurs, d’autres très grands savants, tels Shaykh Ansari, Muhaqqiq Hilli, Shaykh Tusi, Ayatollah Burujerdi que Dieu les agrée, n’étaient pas impliqués dans les activités politiques directement, bien qu’ils s’en intéressaient évidemment, et par conséquent ne se sont pas consacrés à l’élaboration de cette doctrine.

 

husayn ibn abdollah ibn sina ( 380-428 hégire)

 

La doctrine de l’autorité du savant est avant tout théologique

 

   Les discours, les correspondances et les paroles de l’Imam Ali ibn Abi Talib paix sur lui, compilées amplement dans la Voie de l’Eloquence par Seyyed Razi que Dieu l’agrée au 5ème siècle de l’hégire, constituent une source de réflexion politique de premier plan pour la communauté islamique dans son ensemble.

Ibn Abi al-Hadid écrit : « un jeune arabe de la Mecque grandit parmi les mecquois, et ne côtoie aucun sage mais ses discours de sagesse théorique (Hikmat nazariyya) sont plus élevés et profonds que ceux de Platon et d’Aristote. Alors qu’il n’a jamais vécu avec les maîtres de la sagesse pratique (hikmat amaliyya), il est allé plus loin que Socrate… » (Sharh Nahj al-Balagha, t.16, p.146). 

Au 5ème siècle, il ne fait aucun doute que la question de l’Imamat et de l’autorité politique font partie des questions théologiques, usulites et rationnelles qu’il convenait d’argumenter et ne faisaient pas partie seulement des questions accessoires et juridiques.

   Les penseurs chiites incluaient la question de l’autorité des représentants de l’Imam (nawwab ‘am) dans la question théologique de l’imamat. Avicenne (380-428 hégire) et Farabi (260-339), qui voyaient dans la philosophie et la théosophie des compléments aux questions théologiques, considéraient le problème de l’imamat, de l’autorité politique et de l’autorité du savant comme une question rationnelle théologique

   . Avicenne avance dans son livre Le remède : «  il faut que le gouvernant rende l’obéissance à son successeur obligatoire et la désignation de son successeur revient à lui ou au consensus des gens expérimentés, pour mettre aux affaires celui qui publiquement a prouvé au peuple qu’il a une politique indépendante, une raison authentique et une moralité excellente, comportant le courage, la pudeur, l’intelligence, connaissant mieux que quiconque les dispositions légales, et étant le plus savant, de manière manifeste et publique, accepté par tous en tant que tel, et si un différend, apparaissant suite aux passions nourries par les uns et les autres, pousse le choix d’une autre personne incompétente pour la succession aux affaires, ils auront mécru au Créateur … et la désignation du successeur par son prédécesseur est préférable à l’élection car cela évite les conflits de succession » (Husayn Ibn Abdollah Ibn Sina, Al-Shifa (al-ilahiyyat), p.453).

 

 

abu nasr farabi (260-339 hégire)

   De son côté, Farabi écrit dans La Cité Idéale : « le chef de la cité idéale est soit le premier chef soit le second chef. Le premier chef est celui qui a la révélation divine…il décrète les lois et éclaircit les affaires en appliquant les lois que lui et ses semblables ont décrétés. C’est le premier chef de la cité idéale. Mais il manque parfois à la cité un tel personnage. Le second personnage est le successeur du premier chef, dont il a nombre de qualités ; doit connaître les lois établies par le premier chef et a le devoir d’en préserver l’application. Il doit être capable de raisonner pertinemment concernant les affaires en cours et les événements qui se produisent, en s’appuyant sur l’expérience passée et pour les questions qui ne s’étaient pas posées jusqu’alors, il convient de raisonner en prenant en compte les intérêts de la cité, qu’il aura eu soin de clarifier et de préserver dans le même temps ». (Abu Nasr Farabi, Les opinons du peuple de la cité idéale, pp.127-130).

   Allamah Hilli (mort en 726 h.l), maître de Nasir al-din Tusi en droit et disciple de ce dernier en philosophie, s’inquiète du fait que la question de l’imamat et de l’autorité du savant ait été transférée par les savants chiites du domaine théologique au domaine juridique : « les juristes se sont habitués à placer la question de l’Imamat dans le chapitre de l’exécution de l’oppresseur (qital baghi), afin de savoir qui l’on doit obéir et contre qui doit-on éviter de se soulever et le fait de savoir contre qui le combat est obligatoire. Mais cette question n’est pas propre aux questions juridiques, elle fait partie des questions théologiques » (Husayn Ibn Yussuf Hilli, Tazkirat al-fuqaha, t.1,p.452).  

Par conséquent, la question de l’ « autorité du savant » – wilayat al-faqih – doit être rangée au niveau des questions théologiques, au même titre que l’Imamat.

   Après avoir été discutée et démontrée à ce niveau, la doctrine vient irriguer le droit musulman dans différents chapitres, comme on peut le constater aujourd’hui dans les chapitres suivants : ordre de faire le bien et interdiction de faire le mal, appareil judiciaire, peines criminelles, guerre sainte, cinquième, vente, mariage, divorce, jeûne, pèlerinage, prière du vendredi…La démonstration de la question de l’autorité du savant se trouve au niveau de la théologie et pas au niveau du droit musulman.

 

revue des volontaires (basij) par l’imam khameini

Source: Jahan Bozorgi, Ahmad. Précis sur la doctrine de l’autorité du savant (en persan), Centre de la Jeune Pensée, 1999

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